Ce discours a été prononcé le 20 novembre 2025 lors du rassemblement pour la journée du souvenir trans (TDoR), organisé en collaboration avec l’Envol.
Ce soir nous honorons et célébrons la mémoire de nos adelphes décédé⋅es.
Nous sommes rassemblés pour nous souvenir d’elleux, pour que leurs voix continuent d’exister dans notre communauté, pour ne plus perdre personne aux mains de la transphobie, de l’isolement, et de la maltraitance.
Nous affirmons ce soir notre droit d’exister, de nous épanouir et de vivre des vies pleines et entières. Nous affirmons ce soir notre détermination à ne pas laisser les nôtres disparaître sans se battre.
Nous sommes là ce soir, pour nous, et nous continuerons à l’être tant que nos adelphes mourront.
Depuis le 1er Octobre 2024, à travers le monde, à cause de la transphobie, ce sont 354 personnes transgenres qui sont mortes.
Hors ces chiffres ne représentent qu’une partie de celleux qui nous ont quitté·es. Ne sont compté·es que celleux dont la mort a été médiatisée, rapportée aux association par leurs proches, ou officiellement compté·es par des gouvernements qui criminalisent et requièrent la peine de mort contre notre existence. Celleux qui n’ont pu sortir de l’œuf ne pouvant assumer ou en étant dénié·es manquent dans ces chiffres.
Car au-delà des pays qui criminalisent nos existences par leurs lois, il y a les pays qui les persécutent sans le dire explicitement. En utilisant morales et religions pour nous attaquer, en nous retirant et bloquant l’accès à nos droits, en qualifiant de terrorisme nos luttes.
Selon l’étude “Trans Murder Monitoring” 2025 du TGEU, la deuxième catégorie la plus touchée par les meurtres transphobes sont les militant·es de notre cause. Et devant, à la première place comme chaques année, ce sont les travailleureuses du sexe. Mais surtout, dans toute l’étude de 2025, les personnes racisées représentent 88% des personnes trans assassinées. 90% des meurtres étaient des féminicides.
Nos existences sont mêlées à d’autres, nos identités sont complexes et la violence à laquelle nous faisons face a de nombreuses origines. Nos adelphes les plus exposé⋅es sont les personnes racisées, les travailleureuses du sexe, nos adelphes à la rue, celleux les plus précaires ainsi que celleux ayant un handicap, peu importe sa nature. La violence anti-trans est aussi une violence raciste, coloniale, anti-pauvre et validiste. Ce tir croisé est d’autant plus battant et nous devons donc d’autant plus nous battre contre, protéger celleux d’entre nous qui en ont le plus besoin. Le TDoR a été fondé pour honorer la mémoire de Rita Hester et Chanelle Pickett, des femmes trans noires. Notre communauté toute entière a été fondée par des personnes trans racisées et ce fait est trop souvent oublié pour laisser place à un racisme lâche et qui ne doit en aucun cas être toléré.
Combien de nos sœurs, de nos frères, de nos adelphes tué·es, leurs corps ensuite jugé·es publiquement, devrons-nous encore subir pour que vous, les personnes cis, en ayez enfin quelque chose à faire ? Faut-il que l’on s’enflamme collectivement devant vous pour que vous réagissiez ? Ou votre transphobie se réfugiera-t-elle dans votre psychophobie pour que vous puissiez nous balayer comme juste des gens errants, déséquilibrés, narcissiques, malades mentaux, et tant de dénominations remplies de mépris social pour de réelles circonstances dont vous vous fichez probablement aussi ?
Vous contenterez vous d’écrire “Protect the Dolls” sur un t-shirt ou de le mettre derrière un hashtag ?
Vous contenterez vous d’utiliser notre cause pour vous faire bien voir ?
Tenterez vous de récupérer nos luttes pour une cause qui vous semble plus grande ?
Vous battez vous vraiment pour nos droits ? Nous écoutez vous vraiment quand nous parlons ? Nous payez vous vraiment de manière convenable ? Vous souvenez-vous de nous quand nous mourrons ? Vous intéressez vous vraiment à nous quand ce n’est ni la mode, ni bon pour accomplir un de vos fantasmes ?
Ou est ce que vraiment vous essayerez de protéger les personnes trans ? De nous aider financièrement en nous embauchant et en participant à nos cagnottes. De relayer nos voix et nos revendications ? De vous souvenir de nos morts et des actes transphobes qui y ont conduit ?
Défendrez vous nos santés hormonales, reproductives, sexuelles et psychiques ? Ce ne sont pas des luxes, les victimes dont nous honorons la mémoire ce soir, n’ont souvent pas eu accès à ses soins vitaux, ou n’ont pu les obtenir qu’en subissant un regard cis pathologisant et humiliant. L’autodétermination, la gratuité et la facilité d’accès à nos transition sauvent des vies et doivent être totales. Alors, relayerez-vous nos revendications ?
Quelque soit l’angle pris pour parler de nos pertes publiquement, nos morts ne sont pas juste inévitables, elles sont banales, normalisées. Les faits divers dont la presse aime tant se régaler, mégenrant, méprisant et deadnamant nos mort⋅e⋅s, sont des faits de sociétés qu’il est tant facile pour vous d’ignorer quand ça vous arrange.
Nous, nous ne pouvons ignorer nos pertes.
- Dorothy, femme trans, est morte à 31 ans en France.
- Shagufta, femme trans, est morte au Pakistan.
- Robyn , homme trans, 25 ans, est mort en Angleterre.
- Bruna, femme trans, 27 ans, est morte au Brésil.
- Roy, homme trans, 15 ans, est mort au États-Unis.
- Davide, personne non-binaire, 21 ans est mort·e en Italie.
- Indira, femme trans, est morte en Inde.
- Frida, femme trans, 50 ans, est morte en France.
Ceci n’est qu’une infime partie des 354 personnes que nous avons perdu.
Ces personnes nous manquerons, mais nous nous souviendrons. Alors je vous propose de conclure ce discours par une minute de silence en leur mémoire.
